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6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 19:21
MÉTA-ÉPIPHANIE


 


 

Ce billet fait suite à l’article « Épiphanie du refoulé » ( http://zeugma.pro/2020/11/epiphanie-du-refoule-25-11-2020.html ) : des correspondants m’ont suggéré cet ajout, dont acte…


 


 

1) PREMIÈRE DISTANCE : LA « MISE EN MOTS » :


 

Supposons (l’optimisme est de rigueur, a fortiori dans un monde où la quérulence fait florès!) les censures levées, les traumatismes verbalisés (par des mots, ou une expression artistiques ; je rappelle que, pour en être « libérés », deux types de « discours » sont nécessaires :

a) une approche « objective », construite comme un « rapport de police » : les faits sont exposés avec une « mise à distance épistémologique », dépourvus d’affects, précis, datés et contextualisés, avec une précision d’entomologiste.

b) une « approche subjective », chargée d’affect, avec tout le poids des « ressentis », et donc impliquant des exagérations, des hyperboles, des métaphores, bref tous les « topos » du lyrisme, de l’épopée, des Mythes, de la poésie. Elle peut-être littéraire, plastique (cf. les dessins d’enfant et… les productions picturales), musicale, chorégraphiée, théâtralisée, et là s’investit et se joue tout l l’Imaginaire induit par les blessures initiales.

NB : Notons que parfois, devant la force « dé-lirante » (« dé-lirer » = « sortir du sillon », étymologiquement) de ces productions, la personne peut « censurer » son Imaginaire (→ « vengeance » spectaculaire, ultra-violence, scénarios trop « sanglants » …) , dans l’idée (infantile, cf. « pensée magique ») que « si on l’imagine, cela va se réaliser ») ; en fait, les scénarios imaginaires ne sont pas des « pré-projets de passage à l’acte », l’Imaginaire n’est pas contigu au Réel (cf. l’article: http://zeugma.pro/2018/03/la-morsure-de-l-ours-en-peluche/imaginaire-symbolique-reel/12-03-2018.html ).

Le risque de cette censure est, peu à peu, de mettre en place un « filtre passe-bas », qui certes évacue les émotions fortes, mais aussi… le Désir : c’est le principe de l’alcoolisation, la prise de médicaments et l’apathie émotionnelle (→ « hébéphrénie », « mélancolie », voire « dissociation de la conscience » )


 


 

2) DEUXIÈME DISTANCE : LE CLASSEMENT SYMBOLIQUE


 

a) Une fois narrée, la blessure originelle, au lieu d’essaimer dans tout l’appareil psychique et de le contaminer quasiment intégralement, est concentrée dans un « grenier mental » : on peut à loisir y retourner, d’abord quotidiennement puis de plus en plus rarement, et… passer d’autres émois ; ainsi, l’Institutionnalisation du « deuil » traditionnel, avec ses étapes (crêpe noir, puis crêpe mauve ou gris) focalise sur UN temps annuel (La Toussaint, Dia de muertos) le chagrin de la perte.

Pour cette raison, il est vivement conseillé à des « victimes » de porter plainte : l’Institution judiciaire va formaliser les faits et les affects, en affirmant solennellement qui est « victime », qui est « bourreau », et en « disant le Droit »


 

b) De même, il importe de « condenser » les événements et les Affects en les cristallisant sur/dans un « symbole » : bijou, objet, article de journal, photographie : certes toujours chargés d’émotions, ils peuvent être rangés, donc… oubliés la plupart du temps : le psychisme peut « passer » à d’autres situations, d’autres émotions, d’autres altérités.


 


 

3) TROISIÈME DISTANCE : LA DÉRISION


 

Il est des haines, de ressentiments, des rages qui, malgré tout l’arsenal de la verbalisation, perdurent, et sont difficiles à « ranger » .

Le jour où on peut « plaisanter », par l’humour, la moquerie, le sarcasme, la caricature, le rire, la colère est moins prégnante, et envahit de moins en moins le psychisme : au lieu d’être confinée (!), l’amertume est partagés dans de joyeuses connivences : la problématique, que l’on croyait singulière, devient partagée, plurielle ; les femmes qui lisent « Lysistrata » d’Aristophane (écrite en 411 avant J.-C.!) sauront, par le rire, exorciser les blessures des machistes (le texte est ici : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Aristophane/Lysistrata.htm et le film de Chaplin Le Dictateur moque à jamais les figures de tyran.

De même, dans les familles jadis martyrisées, la caricature épique du tyran domestique et de ses « tics » , évoqués en riant dans la fratrie, est une efficiente « mise à distance » , tout en permettant de repérer des « sketchs » qui sont les figures diachroniques, archétypales du Pouvoir… (Créon, Père Ubu, Folcoche, etc.) .

NB. : une des fonctions des Mythes est de produire des « archétypes » qui cristallisent, pour toutes et tous, des caractéristiques que nous pensions, avant analyse, « spécifiques à nous ». La phrase constante et désespérée des « victimes » (→ « vous ne pouvez pas comprendre ! » ) disparaît dès lors que l’on (re)connaît, dans les mythologies, dans les productions artistiques, des « schèmes répétitifs » !


 


 

Bref, nous sommes tous des Antigone, et moquons les affreux Créon !


 


 

Jean-Pierre Benat


 

MÉTA-ÉPIPHANIE (06-12-2020)
MÉTA-ÉPIPHANIE (06-12-2020)
Laurie DASNOIS, avec l'autorisation de l'artiste

Laurie DASNOIS, avec l'autorisation de l'artiste

MÉTA-ÉPIPHANIE (06-12-2020)
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commentaires

I
Merci, au plaisir de vous voir
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