POSTURE COMPULSIVE CLIVANTE
(contribution au débat)
Nombre d'observateurs ont pointé un fonctionnement récurrent de l'ancien Président de la République, dont les étapes se déroulent ainsi :
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émotion devant un fait divers (qui, comme le souligne Bourdieu, « fait diversion ») lié au seul « Pathos »
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construction d'images induisant de l'émotion, avec un story telling habile, articulé à la fois sur la proximité de la victime (le « micro-trottoir » repose sur le présupposé que « ce pourrait être moi », et la foultitude des émissions donnant à tout un chacun la possibilité de « s'exprimer » en toute décomplexion étaye ce fantasme) et la distance au bourreau, nimbé d'une inquiétante étrangeté (c'est l' « Autre », différent, obéissant à des motivations de plus en plus obscures)
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identification de cet « Autre » comme "ennemi", appliqué à saper « notre » Monde, « nos » Valeurs : « ces gens là » sont une menace grandissante
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repliement sur Soi et ses "semblables", élaboration d'une frontière défensive, éthique, intellectuelle, idéologique, politique, tout un appareil clivant qui valorise le dedans et conspue le dehors
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sommation à « choisir son camp », hypertrophie de l'appel à l'Action au détriment de la Pensée, de l'Analyse (critique des « experts » qui « n'agissent pas »), de l'Intelligence (« Abajo l'intelligencia, viva la Muerte », « À bas l'intelligence, vive la Mort », hurlait en 36 le Général Astral à Unamuno, Recteur de l'Université de Salamanque...), suppression des « nuances », des phénomènes gaussiens, de toute approche scientifique
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demande et accumulation de Lois qui fonderaient et légiféreraient cette frontière, rejetant l'Autre dans l'illégitimité, puis l'illégalité, puis dans un système pénal et/ou psychiatrique où l' « Autre » ne sera plus qu'un numéro, une forme anonyme juste codée par son appartenance à une « communauté », voire... un symptôme évidemment inné, congénital voire héréditaire (c'est là une ligne de partage -LA ligne de partage?- entre Droite et Gauche...)
Cette position correspond certes à une logique politique, mais c'est AUSSI un processus comportemental qui survient dès qu'une personne se sent désarmée devant la transgression et le froissement de « son » monde : deux voies s'ouvrent alors :
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l'appel à l'Intelligence (pour faire bref : capacité à percevoir des liens, à créer des liens, à modifier le Réel ou à s'y modifier), à la Culture (perception des analogies de schèmes évolutifs), à l'Analyse (non confusion entre concomitance, corrélation et causalité, approche gaussienne des événements, étude systémique des interactions, hiérarchie des conclusions, doute!), ce qui implique d'abord la conscience que l'on est en manque de Savoirs, puis l'acquisition et la maîtrise de Savoirs, de Savoir-Faire et de Savoir-ÊTRE, associées à la critique et au Doute permanents.
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Le non appel à l'Intelligence, au profit de la Pulsion « primaire » (vive les cerveaux reptilien & limbique, vive l'amygdale !...), qui fonctionne en funeste spirale (« je m'y suis abandonné, donc y renoncer maintenant me nie dans mon temps passé » … cf. Milgram et l'Expérience de Stanford University : si je commence à torturer, c'est très difficile de stopper!)
Je vous invite à pointer ce schème dans divers comportements : des enseignants accablés qui réagissent par la sanction et l'exclusion à l'effraction de leur si peu structuré et affirmé territoire, aux soignants conspuant à la fois le « public » et l'Institution, aux économistes etc..., tant que l'on refuse d'acquérir une « boîte à outils » efficiente, la mise au ban de l'Autre étaye sa propre homéostase (= refus de changer, enkystement dans ses pantoufles acquises...), prétend nier l'entropie et... précipite la chronique d'une Mort annoncée.