*"Excellentes élèves en classes primaires et en 6ème/5ème, parfaitement normées, issues de familles aisées, musiciennes ou danseuses, "cultivées", "petite filles rangées" "agréables et gentilles", "suivies" -disent les enseignants-... et qui, soudainement ou pas, se permettent des transgressions (bavardages, incivilités, insolences, refus des convenances, refus du travail) en 4ème". Si cette phase est courte, elles retrouvent leurs performances scolaires et sociales; si cela dure, le niveau baisse considérablement, avec un refus généralisé de l'Institution scolaire.......
Dans la vulgate journalistique et nos réflexes premiers, il est d'usage de tracer une frontière entre les élèves « agréables », maîtrisant des codes sociaux et scolaires, héritiers de milieux (C+) maîtrisant lesdits codes, et « les autres », enfermés dans les leurs.
Or une frange non négligeable de ces « gentils », élèves performants jusque là, développent -surtout les filles- des comportements incivils, voire insolents, avec une morgue certaine envers les enseignants.
Pour pointer ce phénomène, j'avais utilisé le qualificatif de « pintades », en en signalant le caractère ponctuel et fini.
Qu'en est-il cliniquement ?
I/ Rappel des enjeux du développement :
La problématique constante est la contradiction entre deux exigences :
-
assurer la protection et le contrôle.... au risque d'instrumentaliser et de stériliser l'individu
-
assurer l'autonomie... au risque de trop donner libre cours aux émotions et à l'instantanéité.
Une des étapes majeures -qui concerne le Collège, et spécifiquement la classe de 4ème- est le seuil entre le « PRÉ-ADOLESCENT » et l' « ADOLESCENT »
-
pré-ado : comportement social plutôt « rangé »*, exploration des scénarios alternatifs assurée par l' « Imaginaire » : les fantasmes sont peu visibles, ils s'investissent parfois dans des lectures « complexes » -Harry Potter, le Seigneur des Anneaux, les sagas aux multiples personnages sont lus à 12-13 ans) ; le « Réel » pose peu de difficultés, il est « mimé » -quand les codes ont été transmis et sont partagés par les familles.
-
ado : le traitement imaginaire des désirs et fantasmes bascule sur le « Symbolique » : les comportements sont des « personnages théâtralisés », les lectures sont plus sommaires -Twylight, simpliste dans sa narration, est lu par des lecteurs de 15 ans...-
II/ Étiologie de la Pintade (!)
À ce seuil délicat correspondent des situations diverses
-
Pathologie 1 : l'anorexie (et, peut-être -recherches en cours-, certaines formes de dyslexies/dyspraxies).
Un contrôle excessif**, virant parfois à la fusion, « instrumentalise » l'adolescent(e) qui se confond avec le comportement imposé pendant les périodes de l'enfance et de la pré-adolescence, n'a pas la possibilité de développer son « Moi », et a comme seule aire de contrôle … sa seule nourriture.
-
Pathologie 2 : prise de risques majeurs, mythomanie, confusion Virtuel/Réel : le « Moi » naguère florissant dans l'Imaginaire s'investit brutalement dans du Symbolique (vêtement, look, refus des convenances, saleté ), voire, s'il n'est pas capable d'avoir assez la sensation d'exister, dans le Réel -prise de drogues, risques majeurs, etc...-
Évidemment ces situations restent marginales, mais les comportements vécus en classe de 4ème sont fondés sur les mêmes schèmes.
Ainsi, les fameuses « pintades » ont été convenablement « contrôlées », au point de n'avoir quasiment jamais expérimenté des comportements alternatifs : même leur Imaginaire ne s'autorisait pas ce genre de transgressions.
Or les personnages «imposés » par les familles (intelligemment efficientes) et les enseignants (valorisant ces comportements « agréables », qui « font plaisir »...) se craquellent d'autant plus fort que les fantasmes alternatifs (liés à la puberté, au désir de transgresser pour « éprouver ») n'ont pas eu la possibilité de s'expérimenter.
Dans les situations pathologiques, les parents s'exclament toujours, une fois leur enfant en danger : « Pourtant, avant nous n'avions jamais eu de problèmes avec lui/elle ! »
Les parents de nos « pintades » disent exactement la même chose, et n'arrivent pas à endiguer les « c'est bon » et autres « n'importe quoi » une fois le vernis fissuré.
III/ Solutions ?
Il ne s'agit pas ici de magiquement tout résoudre (!), mais, au moins de tâcher d'éviter les situations toxiques.
La piste essentielle, classique dans les thérapies nécessaires dans la pathologie, consiste à restaurer l'Imaginaire et le Symbolique : pour simplifier (ces deux feuillets très résumés occupent... 45 heures de cours!), on peut répéter les messages suivants :
-
« Vous avez le droit d'avoir n'importe quel (res)sentiment à l'endroit d'un adulte ! »
-
« Vous avez le droit d'avoir n'importe quel jugement »
-
« Vous avez le droit d'imaginer n'importe quelle situation de vengeance, de violence, de fuite.... »
MAIS
-
« Le code social a ses usages.... »
Bref, chacun a le souci des normes, tout en chérissant un « quant-à-Soi » structuré. Chaque fois que nous avons d'un élève une vision monolithique, nous l'enfermons, au risque de fissures, voire d'éclatement...
NB Compléments ici: adoleSCence... et là: PRÉADOLESCENCE: l'étape gommée...