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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 13:26

Contribution au débat (si débat il y a, les positions s'enkystant dans de navrants anathèmes -la rage et l'amertume ont aussi droit de cité-...)



Dans la clinique (du Grec klinw, se pencher au dessus...), nous sommes confrontés, tout le temps, à des discours elliptiques, biaisés, à des silences, à des murailles, à de sophistiqués écrans.

La question de l'étiologie est certes fondamentale... à condition d'entendre que le système de « causalité » linéaire (Aristote, Descartes, Spinoza, et surtout le « Liber de Causis ») est UN schème causal, qu'il en est d'autres (suivez mon regard du côté de l'Analyse systémique, de la Physique quantique , de la Biologie et... de la Mécanique!) plus complexes, avec des systèmes d'inter-actions de plus en plus complexes au fur et à mesure que l'observation est précise.



Je ne développerai donc pas ici pour l'instant la résurgence du vieux débat « organe vs pensée », les mots de la polémique me semblent impliquer des enjeux autres qu'épistémologiques ou thérapeutiques.



Dans la clinique donc, toute personne oeuvrant avec des patients aux signifiants énigmatiques SAIT qu'il faut décrypter.

La culture cartésienne, certes nécessaire et utile, est peu outillée pour comprendre un discours elliptique, flou, biaisé : la volonté de simplification érode le sens jusqu'à une « simplicité » fonctionnelle... utile pour ÉCHANGER DES INFORMATIONS, pas pour COMMUNIQUER des émois.



Les psychanalystes, très majoritairement, disposent de la boîte à outils nécessaires ; je ne parle pas ici de l'analyse du transfert, des étayages divers, mais, spécifiquement, de l'habitude de décrypter. Sans doute les linguistes, les ethnologues, habitués à « entendre » le discours symbolique et polysémique, en font autant.



Exercice que je me permets de soumettre aux tenants des thérapies comportementalistes (utiles, répété-je, pour enseigner un « échange d'informations »!) pour s'entraîner au travail des analystes : lire les textes qui suivent, discerner le deuxième, troisième, nième degré, écouter encore : quand un autiste dit / ne dit pas / profère / suggère / dénie, l'exercice est analogue... BON COURAGE !





« La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.

Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

ÉLUARD



Ei) pa/nta ta\ o)/nta kapno\j ge/noito, r(i=nej a)\n diagnoi=en

Si tout devenait de la fumée, les narines connaîtraient

HÉRACLITE

 

La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs 
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs 
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes 
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles. 
C’était le jour béni de ton premier baiser. 
Ma songerie aimant à me martyriser 
S’enivrait savamment du parfum de tristesse 
Que même sans regret et sans déboire laisse 
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli. 
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli 
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue 
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue 
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté 
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté 
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées 
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.

MALLARMÉ

 

 

Je n’écoute plus rien, et pour jamais, adieu.

Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même

Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?

Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,

Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?

Que le jour recommence, et que le jour finisse,

Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,

Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?

Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !

L’ingrat, de mon départ consolé par avance,

Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?

Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.

RACINE (Bérénice, IV, 5)

 



Mais tandis que, une heure après son réveil, il donnait des indications au coiffeur pour que sa brosse ne se dérangeât pas en wagon, il repensa à son rêve; il revit, comme il les avait sentis tout près de lui, le teint pâle d’Odette, les joues trop maigres, les traits tirés, les yeux battus, tout ce que – au cours des tendresses successives qui avaient fait de son durable amour pour Odette un long oubli de l’image première qu’il avait reçue d’elle – il avait cessé de remarquer depuis les premiers temps de leur liaison, dans lesquels sans doute, pendant qu’il dormait, sa mémoire en avait été chercher la sensation exacte. Et avec cette muflerie intermittente qui reparaissait chez lui dès qu’il n’était plus malheureux et qui baissait du même coup le niveau de sa moralité, il s’écria en lui-même : «  Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »

Marcel PROUST, Un amour de Swann (Fine)

 

etc...

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