Procrastination: tendance pathologique à remettre systématiquement au lendemain quelques actions, qu’elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non. Le « retardataire chronique », appelé procrastinateur, n’arrive pas à se « mettre au travail », et remet à plus tard cela même qu'il dit devoir faire "incessamment sous peu"
1 ANALYSE « PREMIÈRE »
Profil:
– Cette tendance affecte particulièrement des personnes habituées à réussir les épreuves avec aisance et à être reconnues pour leur réussite (NARCISSISATION VIA LE « PERFORMATIF »). Des familles ayant des attentes démesurées (compensation de leurs propre insatisfaction et/ou projection de leur propre imago) et/ou mêlant signifiants d'AMOUR et d'ADMIRATION, prédisposent à ce problème.
Ces personnes ont intériorisé des valeurs de « perfectionnisme », ce qui exclue les essais et erreurs considérés comme des FAILLES
Elles sont souvent « activistes » (frénésie quasi boulimique d’activités socialement et familialement valorisées : tout est présenté comme si ces tâches engendraient une DETTE chez les autres membres de la famille ou du groupe, stigmatisés comme « non agissants », « paresseux », « égoïstes »), ce qui est PARADOXAL: elle sont « affairées », auto-submergées de tâches « réussies » et « parlées », mais... procrastinent d'autres, comme un inaccessible Graal, remis à l'extrême limite (CE QUI DANS LE DISCOURS EN VALORISERA LA RÉALISATION...)
Elles ont dans ce retard permanent un sentiment ambivalent: délices de la paresse ET mauvaise conscience d'être « rebelles » à la Raison et/ou au règlement, voire à la Loi. Serait-ce pour certains l'UNIQUE manière de dire « NON » à un système d'injonctions trop bien verrouillé?
Étiologie:
– comportements dépressifs, liés à une image narcissique uniquement étayée sur le PERFORMATIF
– incapacité à agir sur son monde (pas ou peu de négociation, obligation de « donner des gages de vassalité »)
– longue habitude de « censurer en AMONT » ses propres désirs, pour se construire « en miroir » avec les demandes d'autrui, éviter le conflit, quitte à se trahir soi-même. En ce sens, la PROCRASTINATION apparaît comme un « retour du refoulé », CATHARSIS (plus ou moins efficace...) d'un REFUS DÉNIÉ: j'affirme « OUI! » et je pense, je sens un immense « NON! ».
– difficultés à avoir un niveau suffisant d'EXCITATION , les tâches étant effectuées quasi mécaniquement (personnes instrumentalisées, très bien « entraînées » / « dressées »), dans des protocoles ô combien sus): la procrastination crée une PSEUDO-EXCITATION, en accroissant le risque d'échec: la réalisation, incapable d'être valorisée « EN SOI », se trouve survalorisée par les conditions (exogènes à elle) qui entourent sa mise en oeuvre. (NB l'expression péjorative: « C'EST TROP FACILE » exprime le même processus: une action est d'autant plus valorisée et « belle » qu'il a fallu « en baver » pour la réaliser..... Approche névrotique encore accrue dans l'idéologie judéo-chrétienne!)
– habitude à « se couvrir »: l' « excuse » permet d'expliquer une « non réalisation »: tout se passe comme si tout acte DEVAIT être soumis à une « figure du Commandeur » dont l'avis et l'évaluation concernerait non seulement l'ACTE mais l'ACTEUR, frappé d'admiration ou d'opprobre « en sus » de son acte.
– habitude quasi « magique » à rendre IMPROBABLE ce qui est à faire: à la lisière de l'IMPOSSIBLE, la personne met en branle des solutions extrêmes (densité, intensité du travail, comme une TRANSE) induites par l'URGENCE.
– peur de l'ÉCHEC, peur de la RÉUSSITE: ces éléments, souvent cités, me paraissent ERRONÉS: dans les Faits, la PROCRASTINATION concerne des tâches aisées, banales, « molles », inodores... Cela dit, pourquoi pas....
2 ANALYSE APPROFONDIE (HYPOTHÈSES À CREUSER!...)
– difficultés à se « penser AUTRE »: une fois les tâches prévues accomplies, qu'y a-t-il à faire? l'absence d'INDUCTION, de PROTOCOLE, DE PLANIFICATION crée un insupportable vide: les personnes habituées aux seuls raisonnements « déductifs » (et/ou « par itérations » risquent de se trouver perdues (déréliction, déshérence ) s'il faut improviser (INDUCTION, HEURISTIQUE) ou observer le « hasard », l'INOPINÉ (SÉRENDIPITÉ), bref, AGIR SANS (RE)PÈRE dans un monde NON-MAÎTRISÉ
– difficultés à se percevoir comme le DÉMIURGE DE SA PROPRE HISTOIRE: en procrastinant, je me place « en deçà » des limites prévues, donc toujours, ONTOLOGIQUEMENT imparfait
– difficulté à « PASSER AU RÉEL », à l'incarnation, alors que l'IMAGINAIRE fait palpiter des « virtuels » chatoyants et séducteurs; en ce sens, le procrastinateur préserve la BEAUTÉ et la richesse du « non encore fait », virginal et pur (?)
– difficulté à penser la FAILLE comme la marque (la "Parque?" joli jeu de mot, n'est-ce pas!) du Réel: les procrastinateurs souvent fantasment un PHALLUS PARFAIT (Père/Mère/Anciens/Dieux...) toujours supérieur...
– le TEMPS, figure écrasante du PHALLUS ARCHAÏQUE (qu'il soit incarné par des figures paternelles ou maternelles importe peu!), reste pour les procrastinateurs LE REPÈRE ULTIME, exogène et intrusif: jouer avec ses limites, analogiquement, c'est reproduire le geste de l'enfant qui transgresse un interdit « pour voir » les limites.
3 STRATÉGIE?
– DIRE « NON! » de manière claire, explicite,
– mettre en place un système de NÉGOCIATION
– touver des « satisfactions SYMBOLIQUES » (JE PEINE À FAIRE, MAIS... JE ME RESSOURCE AILLEURS!)
– dissocier nettement le « MOI » de ses « PERFORMANCES »
– instaurer un espace « SYMBOLIQUE » D'IMPERFECTION (la civilisation de l'Islam impose à un fabriquant de tapis de FAIRE UN MINUSCULE DÉFAUT, imperceptible, qui dit l'IMPERFECTION de l'homme face à la PERFECTION de Dieu); par exemple: « je réussis, mais avec une petite faille, TOUJOURS -de présentation, de forme, de justesse, etc... »
– certes, KRONOS n'est pas CHRONOS (contresens pourtant assez courant!), cependant la morale du Mythe est claire: Châtrons le Temps, non pas pour faire n'importe quoi, mais pour « INTROJETER », « INCORPORER » SA PROPRE CONCEPTION, NÉGOCIÉE, ACCEPTÉE, ADOPTÉE...
CONCLUSION: VIVE LA FAILLE, LA FÊLURE, LE FLOU, l'ÉNIGMATIQUE.....