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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 09:22

 

ÉVALUATION GLOBALE = TOXICITÉ ?

« Je suis la plaie et le couteau » (Baudelaire, L' héautontimorouménos)

 


Dans les conseils de classe, l'usage actuel est de ne pas décerner « Félicitations », « Encouragements » et autres « Compliments » (sic!) à un élève brillant, dès lors qu'il manifeste un comportement répréhensible (par rapport au Règlement Intérieur et/ou à l'Éthique) ou gênant (pour l'enseignant et la classe).

Cette confusion entre les Performatifs intellectuels et sociaux est pathogène, surtout pour des adolescents au narcissisme flou.

Imaginons qu'un esprit pervers (un... Pervers Narcissique, par exemple!) veuille « démolir » un adulte (en général pour affirmer sa supériorité, le P.N. étant lui même très peu étayé par un narcissisme archaïque défaillant et perturbé) : la méthode est simple, constante dans la clinique : SUPPRIMER LES FRONTIÈRES ENTRE LES SPHÈRES AFFECTIVES (image de Soi, sentiments, humeur et ressentis...),PERFORMATIVES (capacité -ou non- de faire, d'accomplir une tâche) et INSTITUTIONNELLES (statut social, familial, professionnel, administratif, normé).

La grande majorité des dépressions procède de cette confusion : l'individu, agressé dans une des sphères (critiques / humeur / désamour / désaveu sociétal), est GLOBALEMENT détruit, sans pouvoir compenser les blessures d'un secteur par l'exaltation ou au moins la préservation d'un autre.

La survie consiste, est c'est le fondement des thérapies, non pas à supprimer les blessures (elles sont quasi inévitables...), mais à permettre que se construise un « Moi » fort, structuré, chéri, à la fois refuge et ressourcement.

Les adultes sont censés avoir un tel Moi structuré, condition nécessaire pour se prêter au théâtre social, à ses compromis et... à ses vexations (ses narcissisations aussi, mais les gratifications sont plutôt rares...).

Bon nombre d'enseignants subissent de plein fouet cette masse de « vexations » (blessures narcissiques), au point d'être souvent en dépression chronique (masquée ou non, cf l'étude ICI :link ).

Or le système pérennise sans nuance ce qui produit sa propre douleur et participe de son inefficacité.

Un adolescent a encore moins de chance de résister : doté d'un « MOI » flou, encore insubstantiel, écartelé entre des demandes contradictoires (parents, amis, enseignants, imagos sociales...) il explore des théâtralisations variées.

À terme, il privilégie (stratégie inconsciente) celle qui lui apporte le plus de gratifications ; le système scolaire est donc en compétition avec d'autres phares/fards : s'il ne gratifie rien, s'il ne présente aucun pôle identificatoire (la Culture ? Des cours brillants ? Une atmosphère de vivacité, de vitalité ? Des connivences subtiles ? Cela n'est opérationnel qu'avec « les Héritiers » -cf. Bourdieu- , ce qu'on nommait naguère les « classes CAMIF », et encore...), il ne peut rivaliser avec les très efficaces sirènes des médias, des « meutes », des « petits caïds » et des «gadgets technologiques ».

Les « comportements » sont variables, nous mêmes avons en mémoire des errements passés qui, à l'époque, disjoints des évaluations performatives, ne les ont pas empêchées...

L'élève de 2012 est confronté à une évaluation globale, qui a tendance à se donner comme « atemporelle » : sa palette d'expérimentations s'en trouve considérablement réduite, d'où ce sentiment de déréliction (en théologie, sentiment d'être abandonné par Dieu...), de déshérence de plus en plus fréquent.

Imaginez que nous soyons « évalués » à la SEULE aune de notre efficacité pédagogique, de notre capacité à faire progresser les élèves, à les « élever » de leur soupe culturelle, et que soient occultées d'autres facettes de notre personnalité … Sinistre, non ?

L'Institution scolaire française peut certes , seule contre tous, continuer ces « évaluations globalisantes » -dont une des fonctions est sans doute d'être « contra-phobique » pour les enseignants, puissants le temps d'un Conseil de classe... piètre consolation de l'amertume pédagogique et sociétale-, au risque d'être pour les adolescents un simple monde artificiel, opaque et énigmatique, au bénéfice de leur monde à eux, de leurs bandes, des modèles proposés par les médias, avec tout le séduisant clinquant dont ils se parent.

À bon entendeur...

JPB

 

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